Charlie Adlard se confie sur les bandes dessinées et la série.


                         Charlie Adlart dessine pour l'univers zombifique de Robert Kirkman depuis plus de dix ans. Même si Charlie Adlard ne possède pas de rôle dans la série, il n'hésite pas à se confesser à propos des différences qu'on la bande dessinée et  la série télé, que AMC diffuse depuis maintenant trois ans. Il est vrai que la série s'éloigne de plus en plus des comics, mais le dessinateur n'hésite pas à souligner les traits importants des comics et de la série. L'interview a été réalisé lors du dernier festival d'Angoulême : 

Quand on vous demande si le comic book est inspiré par la série, ça vous énerve ?


Pour un dessinateur de comic books, c’est une chance rare d’être reconnu par le grand public. Le succès de The Walking Dead à la télévision m’a offert cette visibilité, et je lui dois au moins de ne pas m’énerver quand on me demande si je m’inspire de la série. La majorité des téléspectateurs ne lisent pas de comic books, alors je leur explique qu’en octobre, nous fêterons les 10 ans de la BD, alors que la série vient juste de finir sa saison 3, et que la source de la série, c’est nous. Et non l’inverse.

Quel retour les fans de vos livres vous donnent-ils de la série ?


Honnêtement, ils sont nombreux à adorer la BD et à penser que la série est nulle, souvent par principe, parce que le livre est l’original et la série la déclinaison. On ne pourra jamais satisfaire ces fans-là : si la série avait été identique aux comic books, ils auraient parlé de pâle copie. Puisque la série prend ses aises avec le scénario des livres, ils crient au blasphème. Je trouve pour ma part que BD et série se complètent, qu’ils cohabitent très bien.

Quelle a été votre implication dans la conception de la série, et jouez vous encore un rôle ?

Je suis crédité au générique, parce que la série est inspirée d’une de mes œuvres, mais je n’ai pas d’impact sur son évolution. J’ai mis les pieds deux ou trois fois sur le tournage, j’ai fait une apparition en zombie, mais sans plus. Ils n’ont jamais demandé mon aide, et je ne leur ai jamais proposé. D’ailleurs, s’ils m’avaient demandé, j’aurais répondu non. J’aurais eu l’impression de faire du surplace, de raconter à nouveau la même histoire – même si elle prend des chemins différents. C’est aussi une question de disponibilité. The Walking Dead, le comic book, propose de nouveaux numéros régulièrement, ce qui me demande énormément de travail, que j’aurais dû reporter à plus tard si j’avais dû travailler pour la télévision.


Le comic book est en noir et blanc. La série en couleurs. N’est-ce pas une limite pour que cette dernière puisse aller aussi loin dans la violence que vous le pouvez ?

L’utilisation du noir et blanc est un hommage à La Nuit des Morts-Vivants de George Romero… et une solution économique ! Ceci étant dit, l’absence de couleurs atténue il est vrai la violence et le côté gore de la BD. On ne voit pas le rouge du sang, par exemple. On devrait être plus prudents si on était en couleurs. Je me souviens de ce que disait Quentin Tarantino à propos d’une scène de combat de Kill Bill qui est en noir et blanc. Pour lui, ce n’était pas un choix artistique, mais une obligation pour faire passer les litres de sang que son héroïne fait gicler ! Il est certain que la série ne pourra jamais adapter un passage du livre comme celui où Michonne se fait torturer et violer par le Gouverneur.


La saison 3 de The Walking Dead me semble plus proche de l’esprit des livres, plus rythmée, plus efficace, plus violente aussi. Partagez-vous cette impression ?

La saison 1 était une mise en place. Elle m’a beaucoup plu, mais comme toute entrée en matière, elle avait encore besoin de trouver le bon rythme. La saison 2 était appréciable, mais je comprends les critiques qui se plaignaient du fait qu’on n’y quittait pas la ferme d’Hershel. La saison 3 va effectivement beaucoup plus vite, et se repose au moins sur deux décors, la prison et le village du Gouverneur. Il y a plus de personnages, et un vrai méchant, plus seulement les zombies. Les zombies ne sont pas des méchants très intéressants. Il fallait un ennemi digne de Rick.


Vous avez imaginé l’apparence des personnages de la BD. Que pensez-vous des acteurs de la série ?

C’est assez étrange. Au lancement de la série, j’étais vraiment dubitatif sur le choix d'Andrew Lincoln. Je ne voyais pas ce type jouer Rick. Et puis, après quelques épisodes, il est devenu Rick, je n’imaginais pas un autre acteur pour la série. L’essentiel, c’est que les personnages soient fidèles à la BD. Peu importe leur physique. C’est absurde de demander que les acteurs soient des copies des héros du livre. Je n’avais cette exigence que pour deux personnages : Michonne et le Gouverneur. Je dois avouer que j’ai été déçu par le choix de David Morrissey… mais c’est un excellent acteur, qui délivre une performance très subtile, d’ailleurs sans doute plus subtile que celle du Gouverneur de la BD, qui en faisait un peu trop dans le registre du super méchant – y compris physiquement. Quant à Michonne, c’est incroyable : on jurerait que Danai Gurira sort de la BD !


Dans la BD comme dans la série, les zombies sont de moins en moins un problème. Ce sont les humains qui sont dangereux…

Comme Rick le dit dans le livre, « nous sommes les walking deads ». C’est une histoire humaine, où l’homme est le pire ennemi de l’homme. Il y a toujours des morts-vivants, mais ils sont à l’arrière-plan pour maintenir la pression, et peuvent subitement vous tomber dessus…

Interview tirée de : Télérama.fr